Extrait d'Au-revoir, là haut : Prédictions

Dans cet extrait appartenant à l'incipit d'Au revoir, là haut, le narrateur adopte un point de vue omniscient qui lui permet de faire naître ironie et suspense, et de tenir le lecteur en haleine. Il aborde l'agonie du héros sans aucun pathétique, ni une once d'épopée, jouant habilement sur les temporalités.

Et comble de malchance pour quelqu'un qui, dans quelques instants, va être enseveli vivant, il souffre d'un petit fond de claustrophobie.

Tout gamin, à l'idée que sa mère risquait de fermer la porte de sa chambre en partant, il sentait monter des écœurements. Il ne disait rien, restait couché, il ne voulait pas peiner sa mère qui expliquait toujours qu'elle avait bien des malheurs. Mais la nuit, le noir, ça l'impressionnait. Et même plus tard, il n'y a pas si longtemps, avec Cécile, quand ils jouaient dans les draps. Lorsqu'il se retrouvait entièrement recouvert, il perdait sa respiration, la panique le gagnait. D'autant que parfois Cécile le serrait entre ses jambes pour le retenir. Pour voir, disait-elle en riant. Bref, mourir étouffé est la mort qui lui ferait le plus peur. Heureusement, il n'y pense pas sinon, à côté de ce qui l'attend, être prisonnier des cuisses soyeuses de Cécile, même avec la tête sous les draps, c'est paradisiaque. S'il pensait à ça, ça lui donnerait envie de mourir, à Albert.

Ce qui ne tomberait d'ailleurs pas mal car c'est ce qui va se passer. Mais pas tout de suite. Tout à l'heure, quand l'obus décisif va s'écraser à quelques mètres de son abri et soulever une gerbe de terre haute comme un mur qui va s'effondrer et le recouvrir tout entier, il ne lui restera pas longtemps à vivre, ce sera toutefois suffisant pour se rendre vraiment compte de ce qui lui arrive. Albert sera pris d'un désir sauvage de survivre comme doivent le ressentir les rats de laboratoire quand on les saisit par les pattes arrière, ou les porcs qu'on va égorger, les vaches qu'on va abattre, une sorte de résistance primitive... Il va falloir attendre un peu pour cela. Attendre que ses poumons blanchissent, à la recherche de l'air, que son corps s'épuise dans une tentative désespérée pour se dégager, que sa tête menace d'exploser, que son esprit soit gagné par la folie, que... n'anticipons pas.

Albert se retourne, regarde une dernière fois vers le haut, ce n'est pas si loin que ça, finalement. Simplement, c'est trop loin pour lui. Il tâche de ressembler ses forces, de ne penser à rien d'autre que ça, remonter, sortir de ce trou.

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Résumé

Le narrateur commence par évoquer plusieurs épisodes révélant la claustrophobie du héros Albert Maillard, qui est sur le point d'être "enseveli vivant". Non sans ironie, il note que s'il repensait à son enfance ou à sa romance avec la jeune Cécile, Albert aurait envie de mourir. Il se lance ensuite dans une prolepse, décrivant avec précision l'agonie du soldat alors qu'un obus l'a terrassé.
Œuvre : Au revoir, là-haut
Auteur : Pierre Lemaître
Siècle : XXIe

Thèmes

1ere guerre mondiale, obus, ensevelissement, mort

Notions littéraires

Narration : 3e personne
Focalisation : Interne
Genre : Roman
Dominante : Narratif
Registre : Ironique
Mouvement : Littérature contemporaine
Notions : prolepse, temporalités, ironie tragique

Entrées des programmes

  • 3e - Agir sur le monde : agir dans la cité : individu et pouvoir - œuvre portant un regard sur l’histoire du XXe siècle
  • 2nde - Le roman et le récit du XVIIIe au XXIe siècle
  • 1ere - Le roman et le récit du Moyen-Age au XXIe siècle

Approfondir les notions littéraires présentes dans ce texte

Le registre ironique

Un texte est ironique lorsque l’auteur dit le contraire de ce qu’il veut faire entendre au lecteur. Lisez notre article sur l'ironie.